L’actualité de l’entrepreneuriat et de l’innovation

Restez informés des dernières actualités du Hub des Audacieux, adaptées à votre profil.

IA et R&D

IA en R&D agroalimentaire : véritable levier ou effet de mode ?

L’intelligence artificielle (IA) s’invite dans tous les secteurs, y compris en R&D agroalimentaire.

Veille automatisée, analyse de tendances, aide à la vulgarisation : les promesses sont nombreuses, mais qu’en est-il réellement sur le terrain ?

Deux expertes du secteur, Mariette Sicard, Head of Food Sciences Excellence Center chez SEB et Caroline Leroy, consultante R&D et innovation chez Isara Conseil livrent un regard nuancé, entre enthousiasme et lucidité.

image généré représentant l'IA

IA en R&D agroalimentaire : une révolution en marche ?

Mariette Sicard : « Je suis une tech-enthousiaste, donc je crois au potentiel. Mais c’est vrai qu’on n’a pas tous les même facilités. Chez SEB, on a mis en place des solutions comme ChatGPT et Mistral sécurisés en interne, on expérimente aussi avec les copilotes Microsoft. Dans une PME, ce serait bien plus compliqué. Cela dit, je pense que ce n’est pas un effet de mode. Il va falloir y aller, s’emparer du sujet, poser des règles d’utilisation, former les équipes et surtout ne pas faire l’autruche car l’IA va accélérer nos capacités d’innover. »

Caroline Leroy : « Il y a beaucoup de promesses autour de l’IA dans notre secteur, notamment sur l’accélération des processus. Mais aujourd’hui, il y a un écart important entre les discours et les usages réels. Il faut d’abord distinguer l’IA générative type Chart GTP très généraliste et les IA prédictives, qui reposent sur la donnée. En agroalimentaire, les matières premières sont vivantes, hétérogènes et changeantes et les données (matières, process, etc…)  sont souvent peu qualifiées, fragmentées, ou absentes. Pour que ces technologies apportent une réelle valeur, il est indispensable de disposer de jeux de données structurés, fiables et représentatifs. »

Comment l’IA s’est-elle intégrée dans vos pratiques professionnelles ?

veille, analyse, recherche. L’IA me sert énormément pour me former rapidement à un sujet, comprendre une nouvelle législation ou analyser une tendance de marché.

Mariette Sicard

Mariette Sicard : « Chez SEB, j’utilise l’IA à différents niveaux. Je peux lui confier la rédaction d’une note, un pitch, ou même d’un support de formation pour des ingénieurs agro. Ce que j’aime, c’est que je peux lui dire : “Fais-moi une version adaptée pour des scientifiques, pour le marketing ou pour telle ou telle cible”. Il sait mieux que moi adapter le ton et la structure. »

Quand j’ai un dossier à rendre, je lui demande aussi de pointer ce que j’ai oublié. Et franchement, il m’aide à ne pas passer à côté d’un axe de réflexion.

« Et puis, il y a tout l’aspect veille, analyse, recherche. L’IA me sert énormément pour me former rapidement à un sujet, comprendre une nouvelle législation ou analyser une tendance de marché. J’utilise Perplexity parce qu’il cite bien ses sources, et Notebook LM pour convertir des vidéos, des podcasts ou des PDF en fiches synthétiques.               

Par exemple, je peux demander une analyse SWOT d’un produit concurrent à partir de discussions sur Reddit. C’est hyper riche : j’ai des insights consommateurs, des points de friction, des leviers d’image… On peut l’utiliser aussi pour interroger des tendances : “Les gens mangent-ils plus de protéines végétales ?”, “Quelles innovations sur les yaourts durables ?” Ça ne donne pas une vérité absolue, mais ça me permet d’élargir ma vision. »

Caroline Leroy : « J’utilise ChatGPT dans mon travail de consultante pour des tâches assez variées, mais surtout pour tout ce qui concerne la reformulation de documents, les synthèses ou encore les supports de présentation. Ça me permet de gagner un temps précieux dans les rendus client. Pour tout ce qui touche à la recherche scientifique, je préfère utiliser Gemini. Il est plus pertinent pour traiter des sujets pointus, notamment grâce à des outils associés comme Deep Research. »

« Je m’intéresse aussi à des outils comme NotCo ou AkaFood. Ce sont des IA conçues spécifiquement pour la formulation alimentaire, avec une logique de base de données ingrédients. C’est encore assez peu répandu, mais intéressant à suivre. »

L’IA vous a-t-elle permis d’accéder à des usages ou des compétences que vous ne mobilisiez pas avant ?

Mariette Sicard : « Moi je suis parfois incompréhensible, je le reconnais (rires). L’IA me permet de reformuler mes propos selon l’audience. Elle m’aide à faire le pont entre ce que je sais et ce que les autres ont besoin de comprendre. Et surtout, elle permet à des collègues très techniques, qui n’osent pas forcément prendre la parole, d’exprimer leurs idées plus clairement. C’est un outil d’empowerment, en fait. »

Caroline Leroy : « Ce que je vois chez mes clients, c’est qu’il y a une vraie difficulté à vulgariser les projets d’innovation. On peut avoir des idées brillantes, mais si personne ne comprend la valeur, elles ne sortent pas du labo. L’IA devient un outil de médiation. Elle aide à passer d’un discours expert à une version intelligible, sans perdre le fond. C’est valable en interne comme en externe. »

Y a-t-il selon vous des limites ou des points de vigilance à garder en tête ?

Mariette Sicard : « Il y a un vrai risque d’erreur, surtout avec les IA génératives. Elles ont tendance à halluciner, à inventer des infos avec beaucoup d’assurance. Donc c’est indispensable de vérifier»

« Et puis il ne faut pas oublier que l’IA n’a pas de compréhension des réalités physiques du terrain. Le comportement du lait au fil des saisons, la manière dont un ingrédient interagit dans une recette complexe… Ça, c’est notre savoir métier et l’expertise a encore de beaux jours devant elle. L’idée est d’associer la puissance de l’IA avec l’intelligence experte/humaine.. »

Caroline Leroy : « L’IA a besoin de données structurées et dans l’agroalimentaire, ce n’est pas toujours le cas. On a des fichiers Excel faits maison, des saisies manuelles, des historiques produits qui reposent sur des savoirs informels… C’est difficile pour une IA d’apprendre dans ce contexte. C’est pour ça qu’il faut rester modeste et toujours partir d’un cas d’usage clair. »

Y a-t-il selon vous des limites ou des points de vigilance à garder en tête ?

Mariette Sicard : « Elle me donne de la puissance. J’ai l’impression d’avoir un documentaliste, un traducteur-rédacteur, et un communicant, en un seul outil. Mais il faut apprendre à le driver, ça prend un peu de temps mais ça en vaut la peine car les gains d’efficacité sont importants. On fait la même chose mais plus vite.»

Caroline Leroy : « L’IA me fait gagner du temps, elle me pousse à structurer ma pensée, mais elle ne pense pas à ma place. Elle m’aide à faire mieux ce que je sais déjà faire. C’est un levier, pas une solution miracle. »

Entre potentiel avéré et conditions à réunir, les retours de Caroline Leroy et Mariette Sicard dressent un état des lieux réaliste de l’usage de l’IA en R&D agroalimentaire : si elle s’impose peu à peu comme un outil incontournable, son intégration nécessite du discernement, de l’expérimentation, et surtout une compréhension fine de ses usages.

Gain de temps, aide à la structuration, vulgarisation, recherche, veille ou encore exploration de tendances : l’IA n’est pas une solution miracle, mais un levier puissant lorsqu’elle est bien utilisée.

Pour vous accompagner dans cette transition, Isara Conseil propose une formation dédiée à l’intelligence artificielle appliquée à la R&D agroalimentaire.

Cette formation permet de :

  • Comprendre les fondamentaux de l’IA et ses implications en R&D
  • Découvrir des cas concrets d’application dans le secteur agroalimentaire
  • Tester des outils adaptés et accessibles
  • Réfléchir aux bonnes pratiques à mettre en place dans son entreprise

Retour en haut